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Le blue-jeans, un mythe inusable

« Blue jeans, tee-shirt blanc/Tu es rentré dans la pièce et mes yeux ont brûlé. » Ainsi débute Blue Jeans, l’un des tubes de Lana Del Rey paru sur l’album Born to Die (2012). La chanteuse américaine n’est pas la seule à avoir consacré un morceau au célèbre pantalon en denim. De Forever in Blue Jeans, de Neil Diamond, à Taper Jean Girl, des Kings of Leon, en passant par The Jean Genie, de David Bowie, et Baby’s Wearing Blue Jeans, de Mac DeMarco, le jeans a en effet inspiré bien des artistes. C’est qu’il est aussi sexy – porté par James Dean dans La Fureur de vivre (1955) ou Marilyn Monroe dans Les Désaxés (1961) – qu’indissociable de l’histoire de l’Amérique et, plus largement, des mouvements culturels de ces deux derniers siècles.
Avant d’être l’une des pièces les plus cultes de la mode, le jean est d’abord un tissu, qui trouve ses origines au XVIe siècle, à Gênes. La cité italienne est entre autres réputée pour ses étoffes, dont une toile de laine et de lin qui sert aussi bien à fabriquer des voiles de navire qu’à vêtir la marine génoise. Mais c’est bien à la fin du XIXe siècle, en Californie, que naît ce pantalon si singulier, et en l’occurrence le plus célèbre d’entre eux : le 501, de Levi’s. Et ce grâce à l’association du Bavarois Levi Strauss, qui vend des bâches en toile de denim aux orpailleurs, et du tailleur Jacob Davis, qui a mis au point un procédé de rivets permettant de rendre ces pantalons plus robustes.
Au fil du temps, le jeans s’élargit ou rétrécit en fonction des modes et des courants musicaux : quand les idoles hippies des années 1970 adoptent le patte d’eph’, les rappeurs des années 1990 privilégient une version ultra-large dévoilant largement leurs sous-vêtements, plus connue sous le nom de baggy. Tout le contraire des stars du rock du nouveau millénaire – The Libertines, Franz Ferdinand, The Strokes… – qui feront du slim très, très serré leur pantalon de prédilection.
Et les marques de mode, alors ? Après avoir habillé la classe ouvrière, les stars d’Hollywood puis les figures de la contre-culture, le pantalon en denim fait ses premiers pas sur les podiums en 1976 sous l’impulsion de Calvin Klein. « J’aurais aimé inventer le jean, regrettait de son côté Yves Saint Laurent. Il a de l’expression, de la pudeur, du sex-appeal, de la simplicité – tout ce que j’espère dans mes créations. » Porté par les plus belles filles des nineties (Claudia Schiffer pour Guess et Versace Jeans, Cindy Crawford dans la célèbre publicité Pepsi de 1992), revisité sous toutes ses formes par les créateurs, il finit par entrer dans le vestiaire quotidien, et n’en est jamais ressorti depuis.
Souvent synonyme de décontraction, il confère pourtant à celui ou celle qui le porte une allure inimitable, telle que la décrivait l’écrivain italien Umberto Eco (1932-2016) dans un chapitre de son recueil La Guerre du faux (Grasset, 1985), intitulé « La pensée lombaire » et consacré au fameux blue jeans. « J’ai découvert que mes mouvements, ma manière de marcher, de me retourner, de m’asseoir, de presser le pas, étaient différents. (…) Je vivais pour mes blue-jeans et je prenais par conséquent l’attitude extérieure de quelqu’un qui porte des jeans. En tout cas, j’adoptais une contenance. »
Margaux Krehl
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