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Censurer Michel Barnier ou le garder à sa merci. Après deux ans de funambulisme parlementaire, Marine Le Pen traverse ces prochaines semaines un gouffre : comment concilier les envies « dégagistes » de son électorat et sa propre aspiration, celle d’incarner dans l’opinion une force de stabilité ? Pour l’heure, la dirigeante d’extrême droite penche clairement en faveur d’un maintien du gouvernement Barnier, au risque d’incarner aussi la béquille de l’exécutif, rôle qu’elle reprochait au groupe Les Républicains de tenir sous la législature précédente.
Le temps n’est pas encore venu de renverser le gouvernement, explique l’entourage de Marine Le Pen, qui ne voit aucune issue politique favorable à une censure avant la fin de l’année. La présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée serait, par ailleurs, paralysée à l’idée de tomber dans le « piège tendu » par La France insoumise et de passer pour antisystème, au moment où elle pense devoir rassurer ses cibles électorales du moment – le monde économique et les retraités, réputés ne pas aimer le désordre institutionnel.
Le même souci pourrait pousser la députée du Pas-de-Calais à changer d’avis si Michel Barnier maintenait son intention de repousser de six mois l’indexation des retraites. Un autre sujet bloquant est avancé par son entourage : la hausse de la taxe sur l’électricité, qui serait particulièrement mal perçue par l’électorat populaire du RN, frappé le plus lourdement.
Mais faut-il prendre au sérieux ces lignes rouges, particulièrement mouvantes à l’extrême droite de l’Hémicycle ? Le 1er octobre, jour de déclaration de politique générale du premier ministre, Marine Le Pen avait présenté « avec clarté [ses] lignes rouges ». La première concernait le budget : « Toute hausse d’impôts sur les plus fortunés devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos citoyens modestes qui travaillent. » A l’issue du discours, le numéro deux du groupe, le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy, martelait qu’il ne fallait « pas sous-estimer » cette exigence et qu’il ne s’agissait pas « d’une fausse demande ». Elle semble pourtant avoir rapidement disparu des éléments de langage du parti, qui se concentre sur un objectif symbolique, le budget de l’aide médicale d’Etat, et sur l’opposition à des mesures suggérées par le gouvernement Barnier, qui envisage de geler les retraites ou d’augmenter la taxe sur l’électricité.
Lors de sa présentation du contre-budget du RN, Jean-Philippe Tanguy a évoqué la question de la censure avec précaution, dénonçant « la banalisation de cet outil constitutionnel fondamental » par la gauche. Un discours prudent, reflet de la ligne de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, mais éloigné de sa conviction profonde sur ce « budget pourri » avec lequel il serait dangereux de « se compromettre », comme l’affirme le député de la Somme au Monde. Sébastien Chenu, l’autre président délégué du groupe, n’écarte pas, lui non plus, une future censure sur le budget. « On voit un changement de discours sur le terrain, rapporte le député du Nord. Au début, les gens étaient curieux à l’égard de Michel Barnier. Maintenant, ils disent que c’est toujours la même chose : ce premier ministre montre qu’il est dans la continuité du macronisme et pas dans la rupture. »
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